lundi 25 juillet 2016

Libye : le grand écart de la réalpolitique française face à la diplomatie idéologique de l’Union européenne

Le 17 juillet, près de Benghazi, la mort en service commandé de trois militaires français engagés dans une opération d’instruction-conseil auprès des forces du général Haftar démontre qu’en Libye et dans la sous-région, les intérêts de la France ne sont pas ceux de l’Union européenne[1]. Cette dernière est arc-boutée sur l’illusion d’une réconciliation nationale autour du Gouvernement libyen d’Unité nationale (le GLUN) installé en Tripolitaine. Tout au contraire, en Cyrénaïque, Paris aide le général Haftar à combattre les islamistes alliés aux vrais maîtres de ce même GLUN. La réalpolitique reposant sur les intérêts diplomatiques séculaires de la France est donc en contradiction avec les postures idéologiques de l’ectoplasme bruxellois. Entre son soutien officiel au GLUN et son appui militaire au général Haftar, la France pratique donc le grand écart. Le résultat de cette position inconfortable est que le GLUN l’accuse de « violer » son territoire national quand l’UE lui reproche d’affaiblir ce même GLUN en engageant ses forces aux côtés du général Haftar[2]. Explication :

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[1] L’intervention française devant être « discrète », c’est à bord d’hélicoptères libyens que nos militaires agissent alors qu’ils disposent d’appareils français fiables et équipés de contre-mesures.
[2] Pour tout ce qui concerne la question libyenne, voir mon livre Histoire de la Libye des origines à nos jours
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lundi 11 juillet 2016

Soudan du Sud : quand Le Monde prend ses lecteurs pour des pigeons ou des demeurés.

Jean-Philippe Rémy qui est journaliste au Monde vit en Afrique depuis 1998. Dans le numéro du 11 juillet 2016, il signe un article dont le titre est : Soudan du Sud : qui se bat contre qui et pourquoi ? Attiré par cette accroche, le lecteur curieux se précipite afin de connaître enfin les causes et les implications d’un conflit mystérieux qui a fait, et qui continue de faire des milliers de victimes. Mais une fois l’article lu, il n’a rien appris. Quoi d’étonnant quand, à la question : Qui sont les belligérants, Jean-Philippe Rémy répond :

"Après l’indépendance en 2011, deux hommes ont vu leur rivalité grandir au point de menacer l’équilibre : le président, Salva Kiir, et son vice-président, Riek Machar. En décembre 2013, (…) Riek Machar a fui pour éviter d’être tué (…) Sous forte pression internationale, les deux ennemis et leurs troupes ont tenté de cohabiter dans la capitale (…) les tensions sont allées en crescendo ces jours derniers sans que quiconque ne semble en mesure de les arrêter (…)"

Qui sont Salva Kiir et Riek Machar ? Quelles sont leurs origines ? Pourquoi se battent-ils ? Le journaliste ne donne aucune information à ses lecteurs… si ce n’est que le président Salva Kiir est contesté par son vice-président Riek Machar. Nul besoin de lire le Monde, journal officiel de la pensée unique française pour l’apprendre…

Aurais-je eu l’incommensurable privilège doublé du bonheur quasi céleste de faire partie de la caste d’êtres supérieurs composant la rédaction du Monde, que j’aurais écrit différemment  cet article :

Soudan du Sud : qui se bat contre qui et pourquoi ?

« Les terribles massacres qui ensanglantent le Soudan du Sud depuis l’indépendance de 2011 sont la conséquence de la guerre que se livrent Dinka et Nuer, les deux principales ethnies du pays. Le président Salva Kiir est Dinka alors que Riek Machar, son vice-président,  est Nuer.
De 1956 à 2005 les populations chrétiennes et animistes  de la partie méridionale du Soudan luttèrent contre  le pouvoir nordiste musulman de Khartoum. Cette guerre d’indépendance fut menée par les Dinka. Quant aux Nuer, ils changèrent constamment de camp, rejoignant tantôt les Dinka, tantôt épaulant les forces de Khartoum. De telles tergiversations ont laissé des souvenirs mitigés aux indépendantistes dinka.
L’ethno mathématique électorale explique la suite. Comme les Dinka sont plus nombreux que les Nuer, c’est donc tout naturellement, en bonne logique démocratique, qu’après l’indépendance, quand il fallut désigner un gouvernement, les premiers en prirent naturellement le contrôle. Mais l’hégémonie dinka fut combattue par les Nuer. Le gouvernement de Khartoum attisa le conflit en soutenant les Nuer afin de demeurer présent dans cette région riche en pétrole. »

Voilà ce qu’en quelques lignes, Jean-Philippe Rémy aurait pu écrire s’il était libéré de ce pesant carcan idéologique qui emprisonne les journalistes du Monde. Tout au contraire, dhimmi de l’idéologie de l’universalisme, du « vivre ensemble », du « village-terre » et de la négation des différences, il est « par essence », contraint de nier le réel ethnique.
Ce faisant, il prend ses lecteurs-pigeons pour des demeurés. Voilà pourquoi s’effondrent les ventes d’un quotidien nourri de nos impôts et qui aurait depuis longtemps disparu des kiosques si nous vivions dans une économie concurrentielle.

Bernard Lugan
11/07/2016

mardi 5 juillet 2016

dimanche 3 juillet 2016

L'Afrique Réelle N°79 - Juillet 2016


























SOMMAIRE

Actualité :
- Nigeria : après Boko Haram au nord, les Vengeurs du Delta du Niger au sud

Dossier : L’économie africaine en chiffres
- L'Afrique : une part insignifiante dans l'économie mondiale
- Un continent délaissé par les investisseurs mondiaux
- Les réalités du commerce France-Afrique

Histoire et géopolitique :
- Histoire de l'Afrique du Nord : Entretien avec Bernard Lugan


Editorial de Bernard Lugan :
Libye : les trafiquants d’esclaves « alliés » de l’UE

En Libye, nous savons qui organise l’ignoble trafic d’êtres humains à destination du sud de l’Italie. Ce n’est pas l’Etat islamique puisqu’il est assiégé dans Syrte. Ce sont nos « amis » et « alliés », Frères musulmans de Misrata et salafistes de Tripoli ou d’autres cités littorales. Ils se refont actuellement une vertu aux yeux des Occidentaux en attaquant l'Etat islamique, leur ancien partenaire. 

Il n’y a donc pas à s’étonner de voir la déferlante de clandestins prendre de plus en plus de volume puisque c’est aux organisateurs du trafic que l’UE a sous-traité l’éradication de l’Etat islamique. Les passeurs préviennent les navires européens quand ils lancent sur les eaux des esquifs inaptes à prendre la mer ; pour ne pas avoir sur la conscience la mort de milliers de clandestins, les bons samaritains se précipitent alors afin de leur éviter la noyade. Et pour les installer en Europe... Le 25 mai, 5600 forceurs de frontière furent ainsi « secourus ». Le 26 juin ils furent 3324. Du jeudi 23 juin au mardi 28 juin, leur nombre explosa puisqu’ils furent 10 000. Du 1er janvier au 28 juin 2016, selon le HCR, 66 000 d’entre eux furent débarqués dans les ports italiens par les bâtiments de guerre européens. 
Sur ordre de qui ? La question ne mérite-t-elle pas d’être posée à nos hommes politiques ?

Soutenus militairement par la Turquie, par l’insatiable petit émirat du Qatar, par l’UE et par les Etats-Unis, ceux qui sont à l’origine du chaos libyen se présentent maintenant comme les garants du retour à la paix. Tout en continuant à organiser en l’amplifiant le juteux trafic des clandestins rebaptisés « migrants ». 
Pourquoi cesseraient-ils puisque l’ONU et la « diplomatie » de l’UE les ont mis au pouvoir à travers le gouvernement dit d’Union nationale constitué le 19 janvier 2016 ? Dirigé par Fayez el-Sarraj, cet appendice onusien est dominé par Misrata et placé à la merci de ses milices. Voilà les pyromanes devenus pompiers… 

Ce scénario risquant de déboucher sur une guerre entre la Tripolitaine gangstéro-islamique et la Cyrénaïque du général Haftar, il est donc urgent de changer de paradigme. Désormais, la priorité doit être l’éradication des gangs-milices au profit des vrais acteurs tribaux tenus à l’écart du processus politique. 
Une politique réaliste serait d’aider à la reconstitution des alliances tribales détruites par l’intervention franco-otanienne de 2011. L’opportunité existe car les avocats de Saïf al-Islam, le fils du colonel Kadhafi, viennent de demander à la CPI d’abandonner les poursuites le visant pour « crimes contre l’humanité ». Or, lui seul, de par ses liens du sang avec, à la fois la confédération tribale de Cyrénaïque et celle de Tripolitaine[1], est à même de jouer le rôle fédérateur nécessaire à la pacification de la Libye. D’autant plus que, le 14 septembre 2015, le Conseil suprême des tribus de Libye l’a désigné comme son représentant légal.
L’obstacle à ce retour au réel a un nom : l’ignorance (ou la complaisance) de l’UE qui s’obstine à soutenir les Frères musulmans de Misrata et les islamistes de Tripoli. Pourquoi ? Voilà une question qui devrait être posée à Bruxelles.

[1] Voir à ce sujet mon livre Histoire de la Libye des origines à nos jours, pp 127-136 et 187-188