mercredi 30 novembre 2016

L'Afrique Réelle N°84 - Décembre 2016


























Sommaire
  
Actualité :
- Algérie : Le retour en grâce du général Mediene ou les dernières convulsions du sérail
- Sud Soudan : L’échec du redécoupage des frontières
- Centrafrique : Quand la longue histoire des raids esclavagistes musulmans explique les tensions actuelles

Débat : L'Afrique se développe-t-elle ?


Editorial de Bernard Lugan
Mali et RCA, deux échecs du mythe du « vivre ensemble »

Au Mali comme en RCA, des conflits récurrents et résurgents opposent des populations que tout sépare. Au nom du mythe universaliste du « vivre ensemble », la seule solution proposée par la France est électorale. Or, l’ethno-mathématique confirmant à chaque fois la domination démographique, donc démocratique, des plus nombreux, les ressentiments des peuples minoritaires en sont aggravés. Voilà pourquoi nos interventions militaires successives, pourtant couronnées de succès, sont suivies d’autant d’échecs politiques. 

Un minimum de culture ethno-historique permet pourtant de bien poser le problème :

1) Dans le Sahel, et notamment au Mali, toutes les populations nomades nordistes, qu’il s’agisse des Touareg, des Maures, des Arabes et des Peul, furent esclavagistes. Durant des siècles, elles puisèrent dans le « vivier humain » sudiste du Bilad al Sudan, le « pays des Noirs », notamment chez les Bambara, les Soninké et les Malinké. Ces derniers n’ont pas oublié leurs souffrances passées dont ils furent délivrés par la colonisation. 
L’indépendance leur fournit ensuite les moyens d’une vengeance historique. Devenus les maîtres d’un Etat rassemblant artificiellement nomades et sédentaires, razzieurs et razziés, esclavagistes et victimes, ils s’en prirent aux Touareg, lesquels, en réaction, se soulevèrent à maintes reprises. Sur ce terreau propice prospérèrent ensuite les trafiquants de toutes sortes, puis les islamistes. 

2) Avant la colonisation, l’actuelle RCA, le Bilad el Kouti ou Dar Kouti, littéralement la « terre des esclaves », fut ravagée par les esclavagistes musulmans venus du Soudan et du Tchad. Comme au Mali, les populations sudistes conservent la mémoire de ces chasses à l’homme dont elles furent, elles aussi, libérées par la colonisation française. Pour elles, l’offensive que la Seleka lança en 2013 était donc une moderne razzia renouant avec les raids musulmans d’avant la période coloniale. 

Aujourd’hui, dans les deux pays, la situation est sans issue. Elle l’est parce que, au lieu de réfléchir à des solutions fondées sur le réel, donc sur la prise en compte du déterminant ethnique, la France, aveuglée par son idéologie universaliste n’a, comme les médecins de Molière, qu’un seul remède à proposer, le « clystère » électoral dont, quasiment partout en Afrique, l’on a pu constater l’inutilité et même la nocivité.

Une telle cécité, un tel aveuglement a une explication : les élites dirigeantes françaises sont formatées par l’africanisme devenu une discipline universitaire militante recrutant par endogamie doctrinale. Hier, il fut sous le contrôle de l’école marxiste qui bannissait le fait ethnique car il était jugé trop étranger à la conception matérialiste de l’histoire. Aujourd’hui, l’évidence ethnique est refusée car elle apporte un cruel démenti au diktat universaliste des adversaires de tout enracinement.

Il est donc urgent que soient fondées des universités « hors contrat » libérées de la doxa et dans lesquelles l’approche des Afriques pourra enfin se faire à travers le seul réel.

vendredi 11 novembre 2016

Barkhane face au risque d’enlisement

La situation sécuritaire du Mali se détériore chaque jour un peu plus : les garnisons de l’impuissante armée malienne sont attaquées, des véhicules militaires français sautent sur des mines, quant à la Minusma, elle est évanescente. Le pays est en phase de parcellisation et même d’émiettement ethnique et tribal, tant au nord qu’au sud. Régionalement, l’insécurité touche désormais le Niger et le Burkina Faso, avec un glissement depuis la zone sahélienne vers la zone soudanienne. Pour le moment le Tchad est encore un solide pivot mais le Cameroun va entrer dans une période de turbulences provoquée par les futures échéances électorales.

Légitimés par le scrutin ethno-mathématique de 2013, les responsables politiques maliens ont refusé de prendre véritablement en compte les revendications nordistes. Rien d’étonnant à cela, car leurs ennemis sont moins les jihadistes que pourchassent les forces françaises, que les "séparatistes" touareg. Ayant échoué à faire reconnaître leurs revendications, ces derniers se sont divisés, ce qui ajoute encore aux incertitudes. D’autant plus qu’ils reprochent désormais à la France de les avoir  trahis après qu’elle les ait utilisés contre les jihadistes en échange de la promesse de son appui politique auprès des autorités de Bamako.

Le Mali étant donc plus que jamais à la veille de se défaire, et nos « alliés » touareg commençant à se retourner, la situation de Barkhane risque donc de devenir compliquée. C’est pourquoi il est temps de regarder la situation clairement en face à travers trois grandes questions :

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lundi 7 novembre 2016

vendredi 4 novembre 2016

L'Afrique Réelle N°83 - Novembre 2016


























Sommaire :
  
Actualité : 
- Maroc : Le paradoxe électoral
- Mali : L’atomisation tribale des Touareg
- Gabon : une affaire de famille

Dossier : RDC, la coquille vide peut-elle imploser ?
- Aux sources du chaos congolais (1960-1997)
- Quand le diktat démocratique provoque l’anarchie
- L'insoluble question du Kivu

Idées :
Afrique : la nécessité de changer de paradigme


Editorial de Bernard Lugan : La dangereuse fragmentation du Mali

Un peu plus d’un an après les « accords d’Alger » qui devaient acter la réconciliation entre les belligérants, un peu plus de trois ans après des élections qui devaient faire couler le lait et le miel du consensus démocratique, le Mali est plus que jamais en perdition. L’actuel émiettement des protagonistes y rend en effet encore plus compliquée une situation déjà largement illisible. Avec, comme en Libye, le risque de voir éclater une guerre de tous contre tous qui profiterait aux jihadistes. Ce délitement se fait sous le regard impuissant de la Minusma (Mission des Nations Unies au Mali).

Sur le terrain, les groupes armés appartiennent à trois grandes familles : les jihadistes, les milices ethno-tribales nordistes et les milices ethno-tribales sudistes. Toutes étant impliquées à des degrés divers dans les activités mafieuses, des porosités existent entre elles, ce qui vient encore épaissir le brouillard de leur identification.

1) Les jihadistes

Les deux principaux groupes jihadistes sont Ansar ed-Dine du Touareg ifora Iyad ag Galy et la katiba al-Mourabitoune dirigée par Mokhtar Belmokhtar.

2) Les milices ou groupes ethno-tribaux nordistes

Il s’agit essentiellement des bras armés des diverses tribus touareg. Parmi elles, nous devons distinguer celles qui dépendent des Touareg Ifora et les autres.

a) Les groupes politico-armés ifora sont étroitement imbriqués. Il s’agit du MNLA (Mouvement national de libération de l’Azawad), du HCUA (Haut conseil pour l’unité de l’Azawad et de la CMA (Coordination des mouvements de l’Azawad).

b) Les groupes politico-armés non Ifora sont essentiellement l’émanation des tribus Idnane, Imididaghane, Chamanamass, Dawssahak et Kel Antessar (Kel Ansar). Il s’agit du :
- FPA (Front populaire de l’Azawad), mouvement des Chamanamass. 
- CJA (Congrès pour la justice dans l’Azawad), émanation des Touareg Kel Ansar.
- MSA (Mouvement pour le salut de l’Azawad), groupe des Touareg Dawssahak dirigé par Moussa Ag Acharatoumane, un des anciens fondateurs du MNLA.

3) Les milices ou groupes ethno-tribaux sudistes

Leur diversité est extrême ainsi que leur volatilité. Certains sont conjoncturellement alliés au pouvoir de Bamako, d’autres se veulent jihadistes. Parmi eux : 

- Le GATIA (Groupe d'auto défense touareg Imghad et alliés) dirigé par le colonel Ag Gamou est le principal allié de Bamako. 
- Le FLM (Front de libération du Macina) est un mouvement peul et jihadiste.
- Le MDP (Mouvement pour la défense de la patrie) est un mouvement armé peul que Bamako tente d’utiliser contre le FLM. 
-  Les groupes d’auto-défense bambara et dogon aux structures imprécises.

Entre tous ces groupes, il existe cependant un lien : le trafic. Si Barkhane s'y attaquait, elle risquerait de les fédérer.